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Droit en ligne

 

La Cour supérieure accueille une action collective contestant le licenciement de plus de 2200 employés syndiqués et non syndiqués

Introduction : 

 Dans l’affaire McMullen c. Air Canada, la Cour supérieure est appelée à se pencher sur le licenciement de plus de 2200 employés, syndiqués et non syndiqués, qui travaillaient auparavant pour Air Canada (ci-après « Groupe »). Dans son jugement rendu le 10 novembre 2022, la Cour supérieure accueille le recours collectif du Groupe et l’indemnisation afférente, qui avait préalablement fait l’objet d’une autorisation d’exercice d’une action collective.

 En 2007, Air Canada a sous-traité à la compagnie Aveos l’exploitation des centres et l’exécution des activités d’entretien de ses appareils. Les employés d’Air Canada sont alors devenus employés chez Aveos. Cependant, en 2012, Aveos a fermé ses portes et a licencié plus de 2200 travailleurs.

Le cœur du litige repose sur l’article 6(1)d) de la Loi sur la participation publique au capital d’Air Canada (ci-après « Loi d’Air Canada »), qui prévoit qu’Air Canada a l’obligation de maintenir des centres dans les villes de Montréal, Winnipeg et Mississauga. Le Groupe soutient qu’en permettant à Aveos de fermer le centre de Montréal, Air Canada a violé ses obligations imposées par la Loi d’Air Canada. Cette prétention a déjà été confirmée le 17 avril 2012, par le biais d’un jugement déclaratoire, alors que la Cour d’appel a conclu qu’à la suite de la fermeture du centre de Montréal, Air Canada a contrevenu à son obligation de l’article 6(1)d) de la Loi d’Air Canada.

 

 Texte :

 Bien qu’Air Canada ait tenté de s’exonérer par plusieurs moyens, la Cour supérieure accueille en partie l’action collective en réclamation de dommages-intérêts, moraux et punitifs.

 Voici un survol des prétentions d’Air Canada, qui sont rejetées par la Cour, à l’exception d’une seule qui est partiellement accueillie :

1)    La chose jugée

Air Canada prétend que le recours est irrecevable puisqu’une quittance a déjà été signée par le syndicat en 2009 lors du transfert d’employés d’Air Canada vers Aveos. Cependant, pour qu’il y ait chose jugée, il est nécessaire que l’identité des parties, l’objet et la cause soient la même.

Par conséquent, la Cour supérieure rejette cet argument d’Air Canada puisque même s’il y a eu une quittance, celle-ci entourait le transfert d’employés, alors que le présent recours concerne la fermeture d’Aveos et la cessation définitive de ses activités d’entretien lourd à Montréal.

2)    La nature déclaratoire de l’amendement de 2016

 En 2016, l’Assemblée nationale a modifié le texte de l’article 6(1)d) de la Loi d’Air Canada afin qu’il ne soit plus obligatoire pour Air Canada de conserver des centres d’entretien lourd à Montréal, Winnipeg et Mississauga. Air Canada soutient donc qu’en effectuant ce changement, le législateur a précisé l’interprétation de l’article 6(1)d) de la Loi d’Air Canada, ce qui a un effet rétroactif.

 La Cour supérieure rejette cet argument. Effectivement, rien dans la loi ne permet de croire que le législateur avait la volonté de modifier rétroactivement l’effet de cette disposition. En consultant les débats parlementaires, tout porte à croire que l’amendement a plutôt pour effet de modifier pour l’avenir les obligations d’Air Canada.

3)    La prescription

Air Canada soulève que les procédures du demandeur ont été introduites plus de 3 ans après la fermeture d’Aveos et donc, que le recours est prescrit en vertu des articles 2880 et 2925 Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. »).

Malgré tout, la Cour supérieure est d’avis que la contravention d’Air Canada à respecter son obligation de maintenir le centre de service de Montréal est de nature continue et qu’elle s’est poursuivie chaque jour jusqu’au dépôt des procédures en avril 2016. Ainsi, bien qu’une partie des dommages-intérêts réclamés est prescrite, la portion des réclamations qui portent sur les dommages subis dans les trois ans précédant le début des procédures en avril 2016 ne le sont pas.

Le Tribunal a alors conclu qu’en contrevenant à l’article 6(1)d) de la Loi d’Air Canada, Air Canada avait commis une faute civile. Air Canada s’est déresponsabilisée de son obligation de maintenir des centres en fonction en remettant sur les épaules d’Aveos le choix de supporter ce fardeau ou non. Air Canada avait le devoir d’agir de manière prudente et diligente au lendemain de la déconfiture d’Aveos afin de respecter la norme de conduite qui s’imposait à elle, ce qu’elle n’a pas fait. Le défaut d’agir ainsi constitue donc une faute civile au sens de l’article 1457 du C.c.Q.

En outre, il a été démontré que la faute d’Air Canada est la cause directe et immédiate des dommages subis par les membres du Groupe à la suite de la fin définitive de leur emploi. Le dommage est donc la conséquence logique, directe et immédiate de la faute d’Air Canada.

La Cour supérieure rejette toutefois la réclamation de dommages punitifs puisqu’elle n’est pas d’avis qu’Air Canada a agi de mauvaise foi ou qu’elle a commis une faute intentionnelle.

Puisqu’il y a eu une faute et qu’elle est la conséquence directe des dommages subis, il y a alors lieu à l’indemnisation. La Cour supérieure a condamné Air Canada à réparer le préjudice subi par les membres du Groupe et leurs conjoints, ce qui couvre :

1.     Les dommages pécuniaires liés à la perte définitive de leur emploi, tels que la perte de revenu et la perte des avantages sociaux;

2.     Les dommages moraux, c’est-à-dire non pécuniaires, subis par plusieurs membres à la suite de leur fin d’emploi;

3.     Les dommages subis par les conjoints des ex-travailleurs d’Air Canada, qui sont considérés comme des victimes par ricochet.

Le calcul précis des dommages à accorder à chaque membre du Groupe et leurs conjoints sera fait par le tribunal à la lumière des calculs qui lui seront présentés par les parties dans les 90 jours du jugement.

Le texte intégral du jugement est disponible ici.