La Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
Le 1er juin 2022, la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français a été sanctionnée. Cette loi a pour objectif « d’affirmer que la seule langue officielle du Québec est le français. Elle affirme également que le français est la langue commune de la nation québécoise ».
Pour ce faire, des amendements ont été apportés, notamment à la Charte de la langue française, RLRQ c. C-11 (ci-après « la Charte »). Plusieurs de ces amendements ont ou auront, au moment de leur entrée en vigueur, un impact sur les syndicats dans leurs relations avec leurs propres employé.e.s et leurs membres, de même que sur les employeurs dans leurs relations avec leurs employé.e.s. La présente vise à faire un bref tour d’horizon de certaines modifications importantes apportées à la Charte.
Avant ces modifications, la Charte prévoyait déjà que « Toute personne a le droit que communiquent en français avec elle […] les associations de travailleurs et les diverses entreprises exerçant au Québec » et que « Les travailleurs ont le droit d’exercer leurs activités en français ».
Les communications entre l’employeur et les membres de son personnel
L’article 41 de la Charte souligne que « L’employeur doit respecter le droit du travailleur d’exercer ses activités en français ». Les obligations de l’employeur à l’égard de ses employé.e.s ont été étendues et l’employeur est désormais tenu de:
Rédiger et publier en français ses offres d’emploi, de mutation ou de promotion ;
Rédiger tout contrat individuel de travail en français ;
Utiliser le français dans ses communications écrites avec son personnel, à une partie de celui-ci, à un travailleur en particulier ou à une association de travailleurs représentant son personnel ou à une partie de celui-ci, et ce, même suivant la fin d’emploi.
En ce sens, l’employeur doit respecter le droit du travailleur d’exercer ses activités en français avant et après la fin du lien d’emploi.
En vertu de ce même article, l’employeur doit rédiger et rendre accessible une version rédigée en français des documents suivants :
les formulaires de demande d’emploi ;
les documents ayant trait aux conditions de travail ; et
les documents de formation produits à l’intention de son personnel.
Cependant, si le contrat individuel de travail est un contrat d’adhésion (autrement dit, que ses dispositions n’ont pas été négociées avec l’employeur), les parties peuvent être liées par une version du contrat rédigé dans une autre langue que le français s’ils ont pris connaissance de la version française et que telle est leur volonté expresse.
De plus, un travailleur ou une travailleuse peut aussi faire la demande à l’employeur de communiquer par écrit avec lui ou elle dans une autre langue que le français.
Discrimination et harcèlement
La Charte prévoit un droit pour les personnes salariées à un milieu exempt de discrimination ou de harcèlement parce qu’elle ne maîtrise pas ou peu une langue autre que le français ou parce qu’elle revendique la possibilité de s’exprimer en français ou encore parce qu’elle a exigé le respect d’un droit en vertu de la Charte (article 45.1).
Les pratiques interdites
Bien qu’il existait déjà plusieurs interdictions pour l’employeur, la portée de l’article 45 de la Charte est élargie et « interdit à l’employeur de congédier, de mettre à pied, de rétrograder ou de déplacer un membre de son personnel, d’exercer à son endroit des représailles ou de lui imposer toute autre sanction pour la seule raison que ce dernier ne parle que le français ou qu’il ne connaît pas suffisamment une langue donnée autre que [le français] ou pour l’un ou l’autre des motifs suivants :
1. il a exigé le respect d’un droit découlant des dispositions du présent chapitre ;
2. pour le dissuader d’exercer un tel droit ;
3. parce qu’il n’a pas la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une autre langue que la langue officielle alors que l’accomplissement de la tâche ne le nécessite pas ;
4. parce qu’il a participé aux réunions d’un comité de francisation institué en vertu de l’article 136 ou de l’article 140 ou d’un sous-comité créé par celui-ci ou parce qu’Il a effectué des tâches pour eux;
5. pour l’amener à souscrire, en application du premier alinéa de l’article 138.2 à un document visé à l’article 138.1, ou pour l’en dissuader;
6. parce qu’il a, de bonne foi, communiqué à l’Office un renseignement en vertu de l’article 165.22 ou collaboré à une enquête menée en raison d’une telle communication. »
En ce sens, il est toujours interdit, pour un employeur, d’exiger la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que le français pour rester à un poste ou y accéder, notamment par le recrutement, l’embauche, la mutation ou la promotion.
Cependant, une exception est prévue si l’employeur démontre que « l’accomplissement de la tâche nécessite une telle connaissance et qu’il a, au préalable, pris tous les moyens raisonnables pour éviter d’imposer une telle exigence (article 46 de la Charte).
Élément intéressant, le législateur a prévu une présomption que l’employeur n’a pas pris les moyens nécessaires pour éviter d’imposer cette exigence s’il omet :
1. d’évaluer les besoins linguistiques réels associés aux tâches à accomplir ;
2. de s’assurer que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel étaient insuffisantes pour l’accomplissement de ces tâches;
3. de restreindre le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l’accomplissement nécessite la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une autre langue que le français.
Par contre, il est précisé que ces critères ne doivent pas être interprétés de manière à exiger de l’employeur une réorganisation déraisonnable de son entreprise.
Les communications entre les travailleurs et travailleuses et leur association
Une association de travailleurs et travailleuses doit utiliser le français dans ses communications écrites et orales avec ses membres, à moins qu’un membre fasse lui-même la demande à l’association de communiquer avec lui ou elle dans une autre langue que le français (article 49). La nouveauté de cet article est à l’effet que désormais, les communications orales doivent aussi être en français.
Les associations de travailleurs et travailleuses doivent rendre accessibles à ses membres, ses statuts ou ses états financiers dans une version française, dans des conditions au moins aussi favorables que les versions dans d’autres langues. Cette exigence s’applique aussi à un comité partiaire (article 48)
Les conventions collectives
L’article 43 de la Charte prévoyait déjà que les conventions collectives et leurs annexes doivent être rédigées en français. Par contre, il est prévu que si une entente collective n’a pas été rédigée en français, elle doit être disponible en français dès la conclusion de l’entente.
Les sentences arbitrales
Si une sentence est rendue en anglais, une version française doit être jointe « immédiatement et sans délai » suite à l’arbitrage. Les frais de traduction sont, dans ce cas, assumés par les parties (article 44).
Cependant, si la sentence est rendue en français et qu’une partie fait la demande de la traduire, les frais de traduction sont assumés par la partie qui en fait la demande.
Recours prévus par la Charte
Des recours ont été amendés dans la nouvelle mouture de la Charte. Nous vous en présentons quelques-uns. Veuillez cependant noter que la Charte comprend d’autres recours possibles en cas d’infraction.
Pratique interdite de l’Employeur
Une personne salariée non syndiquée :
Dépôt d’une plainte à la CNESST dans les 45 jours qui suivent la pratique interdite alléguée (article 47 de la Charte).
Une personne syndiquée :
Dépôt d’un grief.
Les droits prévus aux articles 41 à 49 de la Charte sont réputés faire partie intégrante de toute convention ou entente collective (article 50).
Discrimination
Personne salariée non-syndiquée :
Dépôt d’une plainte à la CNESST (article 47.4)
Personne syndiquée :
Dépôt d’un grief par le Syndicat Si le Syndicat omet de soumettre un grief en ce sens, la personne syndiquée peut le faire elle-même.
Sanctions pénales en cas d’infraction à la Charte.
Première infraction :
Personne physique : 700 à 7000$
Personne morale : 3000 à 30 000$ (article 205).
Personne administratrice ou dirigeante d’une personne morale : l’infraction prévue pour une personne physique est doublée (article 208).
Deuxième infraction :
Les montants sont doublés.
Récidives additionnelles :
Les montants sont triplés pour toute récidive additionnelle (article 207).
Conclusion
Le présent article n’énumère pas toutes les modifications qui ont été apportées à la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Par contre, certaines des modifications présentées ci-avant amèneront sans aucun doute des questionnements à l’égard de leur mise en œuvre. D’ici là, nous demeurerons à l’affût de tout développement concernant les impacts de ces modifications sur les travailleurs et travailleuses et leurs associations et nous vous invitons à communiquer avec nous pour toute question.