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Droit en ligne

 

Un arbitre annule une mesure disciplinaire imposée suite à une publication sur les réseaux sociaux et accorde des dommages moraux au salarié

Dans l’affaire Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et CISSS de l’Abitibi-Témiscamingue, 2023 CanLII 30923, le 18 avril 2023 (arbitre Claude Roy), le syndicat contestait par grief une mesure disciplinaire sous la forme d’un avis écrit imposé à un éducateur spécialisé le 26 avril 2021. Il réclamait des dommages moraux et punitifs dans son grief.

Dans sa mesure, l’employeur reprochait notamment au salarié d’avoir contrevenu à la politique intitulée « Gestion et utilisation des médias sociaux » (ci-après la « Politique »), en publiant sur sa page Facebook personnelle quatre photos de l’établissement de l’employeur sur lesquelles on pouvait apercevoir un nombre important de mégots de cigarettes au sol. La publication de ces photos était accompagnée de la mention « Quel lieu de travail inspirant! Merci ». Quatre amis Facebook avaient approuvé la publication à l’aide de l’émoticône avec le pouce en l’air et le salarié ainsi que quelques-uns de ses amis Facebook avaient commenté cette publication.

Plus précisément, l’employeur considérait dans son avis écrit que la publication permettait d’identifier le salarié comme employé de l’établissement. De plus, l’employeur était d’avis que cette publication était susceptible de porter atteinte à sa réputation et à sa crédibilité en tant qu’organisation auprès de ses employés actuels et futurs, de sa clientèle et de ses partenaires. Il reprochait également au salarié d’être allé à l’encontre de la Politique en publiant un contenu discréditant l’image de l’établissement. Il concluait que le salarié avait manqué à son obligation de loyauté envers l’employeur compte tenu de l’existence de la Politique et de l’impact potentiel de cette publication sur l’image de l’organisation. Par ailleurs, le fait pour le salarié de s’être exprimé sur les réseaux sociaux contrevenait selon l’employeur à une directive verbale qui avait été antérieurement faite au salarié, et constituait de l’insubordination.

De l’avis de l’arbitre, l’employeur n’a pas réussi à le convaincre des fautes alléguées du salarié. Il souligne dans un premier temps que la preuve repose uniquement sur le témoignage contradictoire de la supérieure du salarié qui déclarait avoir été informée de l’existence de la publication quelques jours plus tard par des membres de son personnel. De son côté, l’agente de gestion du personnel, qui avait procédé à la rédaction de la mesure, avait témoigné à l’effet que la supérieure immédiate du salarié l’avait informée de la publication le jour même.

L’arbitre estime être en l’absence totale de preuve, si ce n’est que de l’opinion des deux représentantes à l’effet que la réputation de l’employeur est entachée. L’employeur n’a produit aucun témoin pour établir que sa réputation a été atteinte, par exemple des membres du personnel ou des usagers. Il n’a pas présenté de preuve de dommage ayant été causé par l’atteinte à la réputation alléguée, pas plus qu’il n’a fait la preuve du nombre de personnes qui auraient pu constater une telle atteinte, outre les commentaires des quatre amis Facebook du salarié sous la publication. Il en est de même en ce qui concerne l’atteinte alléguée à l’image de l’employeur.

Concernant la Politique, l’arbitre mentionne que les références qui y sont faites dans la mesure disciplinaire sont incomplètes. Lorsque ces dispositions sont lues dans leur entièreté, l’arbitre constate que le salarié ne les a pas violées.

L’arbitre casse donc la mesure disciplinaire, et accueille partiellement le grief. Il ordonne à l’employeur, compte tenu du témoignage non contredit selon lequel le salarié était une personne très engagée dans son travail et dans son milieu, et des effets que cette mesure a eu sur sa santé psychologique, de verser au salarié une somme de 2000$ à titre de dommages moraux. L’arbitre rejette toutefois la demande de dommages punitifs car la preuve n’a pas démontré que la liberté d’expression du salarié avait été brimée par sa supérieure, et ce, de matière répétitive et intentionnelle.