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Droit en ligne

 

Un arbitre conclut qu’un Centre de services scolaire a commis un abus de droit en soumettant une enseignante à une évaluation abusive et déraisonnable

Dans cette affaire, le syndicat, représenté par un avocat de notre étude, conteste la non-inscription d’une enseignante (ci-après « plaignante ») à une liste de rappel fondée sur une évaluation négative. Le syndicat soutient que l’évaluation en cause est illégale, déraisonnable et abusive.

L’arbitre résume d’abord la preuve foisonnante. Il est utile d’en rapporter ici quelques éléments.

À l’été 2017, la plaignante qui est alors inscrite à la liste de priorité du secteur jeune du Centre de services scolaire (ci-après « C.S.S. ») est informée par une technicienne en travail social (TTS) qu’elle connaît et qui travaille au Centre de formation de la francisation (Centre de formation) qu’un remplacement est disponible en francisation à la formation générale aux adultes. Une enseignante de longue expérience est alors en congé pour cause de maladie. La plaignante obtient le remplacement d’une tâche complète pour l’année entière.

Dès le 12 septembre 2017, la directrice adjointe s’absente pour cause de maladie.

Les rapports entre la plaignante et la TSS initialement cordiaux se dégradent en novembre. Après une rencontre avec un intervenant d’un organisme communautaire réunissant la TSS et la plaignante, cette dernière informe la directrice adjointe par intérim de son inconfort relativement à l’attitude de la TSS au cours de cette rencontre. Elle prévient la TSS de son intention d'envoyer cette communication.

L’arbitre constate que plusieurs témoins font état d’un climat malsain au Centre de formation. La preuve établit que les enseignants se plaignent notamment des comportements de la TSS.

En février, la plaignante commence un arrêt de maladie.

En mars, la directrice adjointe revient au travail.

Deux jours avant la date prévue du retour de congé de la plaignante, la TSS communique à la directrice adjointe un rapport, qu’elle a rédigé, contenant un énoncé des « faits répertoriés sur (la plaignante) depuis son arrivée en août 2017 », la présentation du « comportement non professionnel de Madame T. », et des « observations faites auprès des élèves de sa classe ».  La TSS invite la directrice à faire une évaluation négative de la plaignante.

L’arbitre souligne que le syndicat et la plaignante apprennent l’existence de ce rapport au cours de l’audition du grief.

À son retour au travail en avril, la plaignante continue d’entretenir une relation strictement professionnelle avec la TSS. Ses relations avec l’équipe enseignante sont excellentes.

Le 22 mai, la directrice adjointe procède à une séance d’observation en classe dans le cadre de l’évaluation de la plaignante. Celle-ci dure à peine 10 minutes. Le 31 mai 2018, elle complète une évaluation très négative de la plaignante lui faisant échouer 22 des 23 compétences.

Après avoir résumé la preuve, l’arbitre relève que les parties conviennent que la décision contestée en est une administrative.

Il indique qu’il appartient au syndicat d’établir que l’employeur a commis un abus de droit. À cet égard, il rappelle les principes applicables, se rapportant aux arrêts Morin c. Langlois et Syndicat de l’enseignement de la région de Québec c. Ménard. Il souligne aussi que ces principes ont été appliqués en regard de l’évaluation des personnes salariées.

L’arbitre s’attache alors à déterminer si le syndicat satisfait son fardeau.

D’abord, s’appuyant sur la preuve, elle conclut que le rapport de la TSS a comme seul objectif d’écarter la plaignante. Il détermine en outre que les évènements de novembre sont l’élément déclencheur l’ayant conduit à rédiger un rapport vengeur.

Ensuite, il souligne que l’évaluation de la directrice adjointe est contredite à tout égard par la preuve. Il détermine que plusieurs contradictions démontrent que l’évaluation est biaisée et se fonde sur le rapport rédigé par la TSS. Il souligne que la directrice prétend s’être fondée sur une observation en classe alors qu’elle n’y est restée que 10 minutes. Il relève aussi que certains des reproches formulés contre la plaignante concernent également plusieurs autres enseignants, à qui les mêmes comportements n’ont jamais été reprochés. Il indique également que contrairement à certains collègues, la plaignante n’a jamais fait l’objet d’attentes signifiées.

Au terme de son analyse, l’arbitre conclut que si elle avait suivi un processus d’évaluation équitable, rigoureux et objectif, la directrice n’aurait pu conclure à une évaluation négative.

En somme, la preuve nettement prépondérante démontre que l’évaluation est abusive et déraisonnable. Cet abus a eu pour conséquence la non-inscription à la liste de rappel. L’arbitre fait droit au grief et ordonne l’inscription rétroactive de l’enseignante à la liste de rappel.

Vous pouvez consulter l’intégralité de cette décision ici.