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Droit en ligne

 

Une arbitre interprète les notions de « rappels au travail » en contexte de télétravail en faveur du syndicat

Dans une sentence arbitrale rendue par l’arbitre Me Francine Lamy, où le syndicat était représenté par un avocat de Rivest Schmidt, l’arbitre a été appelée à interpréter les dispositions de la convention collective concernant les rappels au travail, le tout dans un contexte nouveau de télétravail. Me Lamy a accueilli les griefs déposés par le Syndicat professionnel des ingénieurs d’Hydro-Québec inc.

Avant d’être modifiée, la convention collective en litige prévoyait uniquement deux articles (19.03 et 19.04) donnant droit à une indemnité minimale équivalente à cinq heures au taux de travail supplémentaire lorsqu’un ou une ingénieur.e était rappelé.e pour se rendre au travail en dehors de son horaire de travail.

La convention faisait aussi la différence entre un rappel d’urgence et un rappel planifié. Dans le premier cas, l’employeur devait rémunérer l’ingénieur.e 15 minutes pour se rendre au quartier général et 15 minutes pour revenir à la maison. Lors d’un rappel planifié, la convention collective prévoyait la même indemnité de cinq heures mais sans rémunération pour le déplacement.

Pendant la pandémie de la COVID-19, les ingénieur.e.s ont maintenu les services en télétravail. Comme c’était le cas avant la pandémie, les ingénieur.e.s ont dû répondre à des demandes urgentes ou planifiées, en dehors de l’horaire habituel de travail, mais cette fois en télétravail. L’employeur octroyait alors un minimum de cinq heures d’indemnité.

Lors du renouvellement de la convention collective, la clause 19.07 a été ajoutée. Cet article prévoit qu’un.e ingénieur.e qui doit travailler en dehors de son horaire de travail, mais qui n’a pas à se rendre sur les lieux du travail, est rémunéré.e au taux supplémentaire. L’indemnité minimale est alors d’une heure et demie à son taux de salaire et non cinq heures.

Après l’entrée en vigueur de la nouvelle convention collective, l’employeur a refusé de payer l’indemnité minimale de cinq heures au taux de salaire de l’ingénieur.e dans le cas de rappels urgents ou planifiés lorsque l’ingénieur.e demeurait en télétravail soulignant que c’était plutôt l’indemnité d’une heure qui s’appliquait.

Devant l’arbitre, le Syndicat soumet que la nouvelle clause indique que l’endroit où est effectué le télétravail est un lieu de travail aux fins de l’application des clauses portant sur le rappel et que c’est l’indemnité de cinq heures qui doit s’appliquer.

L’Employeur prétend plutôt que les clauses sur le rappel qui réfèrent à la maison, au quartier général et au déplacement doivent être interprétées comme exigeant que l’ingénieur.e se déplace physiquement dans les locaux de l’employeur pour bénéficier de l’indemnité la plus avantageuse.

L’arbitre conclut, à la lumière de la jurisprudence et de la doctrine, que le domicile peut être un lieu de travail aux fins du rappel au travail s’il sert à la prestation principale de travail.

Afin de déterminer si le rappel au travail peut s’effectuer hors des locaux de l’Employeur, l’arbitre retient deux critères :

a)     L’autorisation de l’Employeur, explicite, implicite ou conventionnelle pour exécuter la prestation de travail à l’extérieur de ses locaux ou à un autre lieu qu’indiqué dans le texte, auquel cas il s’agira d’un lieu normal de travail;

b)     La comparaison de l’environnement de travail de la prestation supplémentaire avec celui ou ceux de la prestation principale, pour vérifier s’il y a identité.

En l’espèce, l’arbitre conclut que le domicile des ingénieur.e.s en télétravail est un lieu normal de travail puisque l’Employeur l’a imposé pendant la pandémie et l’a autorisé par la suite, autorisation qui est désormais enchâssée dans la convention collective qui permet le télétravail.

Dans ce contexte, les ingénieur.e.s accèdent à leur poste de travail à partir de leur demeure en se connectant au réseau sécurisé et numérique de l’Employeur qui leur fournit l’équipement nécessaire.

Au terme de leur journée de travail habituelle, les ingénieur.e.s qui font l’objet de rappels doivent mettre de côté leur vie personnelle et revenir au travail en s’installant à leur poste de travail afin de se connecter à l’entreprise comme ils et elles le feraient dans les locaux de l’Employeur. Les ingénieur.e.s doivent donc recevoir l’indemnité de cinq heures.

Selon l’arbitre, il existe certaines situations qui ne requièrent pas de se connecter à l’environnement numérique de l’Employeur, par exemple lors de consultations téléphoniques. Dans ces circonstances, c’est l’article 19.07 qui s’applique et c’est l’indemnité d’une heure minimum qui est octroyée puisqu’il ne s’agit pas d’un rappel au travail classique qui requiert de retourner au lieu de travail principal.

Rivest Schmidt est fier d’avoir contribué, une fois de plus à faire avancer le droit du travail en faveur des salariés.